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Il existe des entretiens qui ne se contentent pas de raconter des faits, mais qui font vibrer les âmes, réveillant en chacun de nous des souvenirs, des aspirations et une quête d’unité. L’apparition de Rafik Seidzade, artiste émérite et pionnier du jazz azerbaïdjanais, dans l’émission « Dialogue avec Tofik Abbasov » sur Baku Network, relève de cette rare catégorie. Ce n’était pas une simple conversation, mais une réflexion profonde sur l’identité de l’Azerbaïdjan, sa force et sa singularité.

Dans un monde déchiré par les conflits, où la haine se nourrit des divisions, l’Azerbaïdjan reste un exemple d’harmonie entre les peuples. « J’ai vécu une vie internationale, – raconte Seidzade avec une sincérité touchante. – À Bakou, le multiculturalisme était une évidence. Nous vivions en paix : Géorgiens, Arméniens, Russes, Azerbaïdjanais. Chacun trouvait sa place dans cette mosaïque humaine, où les différences devenaient une richesse et non un prétexte à la discorde. »

Mais cette harmonie n’est pas qu’un souvenir. C’est une valeur vivante, portée avec fierté par l’Azerbaïdjan moderne. Malgré les blessures du passé, le pays continue de prôner l’ouverture et le respect. « Plus de 35 000 Arméniens vivent aujourd’hui en Azerbaïdjan, à Bakou, dans d’autres villes et même au Karabakh. Nous ne voyons pas en eux des ennemis, mais des voisins, des citoyens, des êtres humains. Le multiculturalisme, c’est notre trésor, constamment enrichi par nos expériences communes. »

Cependant, cette tolérance, Seidzade la sait fragile. Il se remémore les tragédies qui ont marqué sa propre famille. Les murs de sa maison portaient encore les cicatrices des balles tirées en 1915. Sa mère, témoin des massacres arméniens à Bakou, lui avait pourtant inculqué une leçon essentielle : « Respecte les autres, même si tu as souffert. » Ce respect, cet humanisme, contraste douloureusement avec l’éducation empreinte de haine que, selon lui, certains enfants reçoivent en Arménie. « La haine n’est pas innée, elle est enseignée. Et pour la déraciner, il faudra des décennies de travail, de courage, de dialogue. »

Pour Seidzade, la paix ne se bâtit pas sur les ruines de la rancune. Elle exige des frontières claires, un respect mutuel et une collaboration sincère. « Nous devons commercer, échanger, créer ensemble. L’avenir appartient à ceux qui tendent la main, pas à ceux qui brandissent le poing. »

Cette philosophie de la reconstruction, il l’a ressentie avec une intensité particulière en visitant Choucha, récemment libérée de l’occupation. « Traverser Fizouli et voir ces villes fantômes, ces villages réduits en cendres, c’était comme marcher dans un cauchemar. Mais aujourd’hui, nous rendons la vie à ces lieux. Choucha redevient ce qu’elle était destinée à être : un centre culturel, un symbole de notre unité. »

L’Azerbaïdjan, insiste Seidzade, n’a jamais cherché à imposer sa culture ou à écraser les autres. Les conflits ne naissent pas de l’identité, mais de la manipulation politique et de l’aveuglement idéologique. « Nous avons toujours respecté nos voisins. La haine ne mène qu’à l’épuisement, tandis que la coopération ouvre les portes du progrès. »

Ce message d’espoir, ce plaidoyer pour le dialogue, trouve un écho particulier dans notre époque troublée. Seidzade ne parle pas seulement en tant que musicologue ou pédagogue. Il s’adresse à l’humanité tout entière, rappelant que l’avenir de chacun dépend de notre capacité à reconnaître l’autre, non comme un ennemi, mais comme un partenaire.

L’Azerbaïdjan, avec son multiculturalisme enraciné, a beaucoup à enseigner au monde. Ce n’est pas qu’une valeur, c’est une vision, une mission, un testament vivant à transmettre aux générations futures.